Nocturne
Seule dans le grand lit alors que sonne l'heure,
Elle voudrait dormir, mais le sommeil la fuit.
Elle entend chuchoter la fontaine qui pleure,
Et se laisse bercer par les bruits de la nuit.
Le battement du coeur de la vieille pendule,
La plainte d'un volet malmené par le vent,
Les craquements d'un meuble au fond du vestibule,
Le cri d'une hulotte ou d'un engoulevent.
Une auto qui s'arrête à l'entrée du village,
Le pas d'un attardé qui se prolonge alors,
Un avion qui bourdonne au-dessus d'un nuage,
L'aboi lointain d'un chien qu'on a laissé dehors.
Elle s'agite un brin, se retourne, s'étire,
Cale cent fois sa tête au creux de l'oreiller,
Puis se retourne encor, ouvre les yeux, soupire.
Que la nuit est cruelle à qui reste éveillé.
Elle aimerait pourtant que le sommeil s'empare
De ce coeur douloureux aspirant au repos.
Que dans un rêve heureux elle sombre, s'égare,
Se retrouve demain le corps frais et dispos.
Morphée obstinément à ses voeux se refuse.
Elle veillera donc jusqu'au lever du jour,
Attendant le rayon de lumière diffuse,
Qui de l'aurore enfin lui dira le retour.
Renée Jeanne Mignard